[Cas pratique] Affaire du Canard Enchainé vs. Christophe Nobili
Ce n’est pas tous les jours que l’on fait appel au Ministre du Travail pour licencier un salarié !
🔎 C’est pourtant le cas de M. Christophe Nobili, journaliste au Canard Enchaîné ayant dévoilé l'affaire Fillon en 2017. Le journal satirique lui reproche la publication de son livre "Cher Canard - De l'affaire Fillon à celle du Canard Enchaîné" publié en mars 2023, dans lequel il fait éclater au grand jour l'existence d'un emploi fictif de plus de 25 ans au sein de la rédaction du palmipède.
En réaction à ces révélations, la direction du journal a mis à pied M. Nobili, l'accusant de ne pas l’avoir informé de son projet de livre et de s'être exprimé dans les médias.
Après 2 refus de licenciement en 3 mois par l’inspection du travail, qui a considéré qu’il y a un « lien » entre la demande de licenciement et le mandat de délégué syndical, le Canard patauge et s’en remet donc au Ministre du Travail, un recours assez exceptionnel.
📕 En effet, les principales règles relatives au licenciement d’un salarié protégé sont les suivantes :
1/ L’employeur doit consulter les instances représentatives du personnel avant de solliciter l'autorisation de licenciement.
2/ L’employeur doit obtenir l'autorisation de l'inspection du travail.
3/ L’employeur doit avoir un motif de licenciement valable et non discriminatoire (tels que ceux liés à l'exercice de l'activité syndicale ou des fonctions représentatives) et être en mesure de prouver la légitimité du motif.
🏛️ La décision de l’inspection du travail peut, dans un délai de 2 mois, faire l’objet d’un recours :
1/ Contentieux : en cas de licenciement sans autorisation ou en cas de refus de l'inspection du travail, le salarié protégé ou son employeur, peuvent saisir le tribunal administratif pour contester la décision.
Si le tribunal administratif annule le refus d’autorisation de licenciement, l’employeur doit adresser une nouvelle demande d’autorisation à l’inspecteur du travail.
2/ Hiérarchique : le salarié protégé et son employeur peuvent contester devant le Ministre du travail la décision de l'inspection du travail. C’est la voie choisie par le Canard Enchainé le 29 septembre 2023.
Le Ministre du Travail a le pouvoir de confirmer ou d'annuler la décision de l'inspection du travail. Si le refus d’autorisation est annulé par le Ministre, ce dernier se prononce alors sur la demande d’autorisation et statue en fonction des éléments de droit et de fait existant à la date de sa propre décision. Le silence observé par le Ministre pendant un délai de 4 mois vaudra rejet.
💡 Bon à savoir : Dans tous les cas, le recours n’est pas suspensif, la décision de l’inspecteur du travail s’applique donc jusqu’à la réponse relative au recours.
Il est fort à parier que le Canard risque de se retrouver le bec dans l’eau… 🦆